Sir András Schiff

ENTRETIEN

©Nadja Sjostrom

Vous retrouvez l’OCL les 30 et 31 octobre 2024, quatre ans après un concert à huis clos en pleine pandémie, avec un programme teinté de mélancolie : le Concerto pour piano n°5 de Bach qui exprime les tourments d’un homme malade, la Symphonie dite « Tragique » de Schubert ou le Concerto pour piano n°27 de Mozart, composé peu avant sa mort. Pourquoi ce choix ?

Ce sont trois de mes compositeurs préférés. Et trois très belles œuvres. Pourquoi devrais-je expliquer ? Le répertoire est vaste et pour un concert, il faut faire une sélection. On ne peut pas tout interpréter en un seul concert.

 

Vous considérez Bach comme le plus grand compositeur, la figure paternelle de la musique classique occidentale. Quand vous jouez Bach, quelle est la chose la plus importante et comment cela s’applique au Concerto pour piano n°5 ?

La musique de Bach est toujours spirituelle, même ses œuvres purement instrumentales. Les mouvements du concerto proviennent des Cantates. La Cantate a un texte qui dit : « Ich stehe mit einem Fuß im Grab » (J’ai un pied dans la tombe). Il est donc clairement question de la vie et de la mort, de la foi. Bach était croyant, pas athée.

Lors de notre entretien en 2020 (visible sur notre chaîne YouTube), vous disiez : « Vous ne me verrez jamais diriger des symphonies de Mahler ou des opéras de Wagner ». Pour quelles raisons la symphonie n°4 de Schubert fait, elle, partie de votre répertoire de chef ?

Schubert est l’opposé de Wagner. Il est le plus grand maître du Lied. Quand je dirige Schubert, j’exprime mon amour profond pour lui et sa musique. J’ai joué toute son œuvre pour piano, tous ses lieder, toute sa musique de chambre. Je le connais bien, et cela n’a rien à voir avec la direction d’orchestre.

La critique voit dans le Concerto pour piano n°27 un reflet du cheminement esthétique et personnel de Mozart. Et vous, qu’y voyez-vous ?

Il s’agit de son dernier concerto pour piano, mais pas de sa dernière œuvre. Il a continué à écrire d’autres pièces. Cependant, le genre du concerto pour piano a été très important pour Mozart, il couvre toute sa vie. Et il savait que ce serait le dernier, c’est un adieu. L’une des œuvres les plus tristes de Mozart, même si elle est sur le mode majeur.

QUESTIONS D’ÉTUDIANT(E)S DE L’HEMU

Est-ce que votre instrument est une extension systématique de votre personne ou vous auriez pu jouer d’un tout autre instrument ?

Il y a d’autres instruments que je préfère, en premier lieu le violoncelle. Mais je n’échangerais pour rien au monde avec le piano à cause du répertoire. Nous avons la chance d’avoir une telle richesse de chefs-d’œuvre. Il est difficile de comprendre pourquoi tant de pianistes ne réalisent pas cela et jouent de très mauvaises musiques ainsi que de plus en plus de transcriptions.

Bonjour András,
Je m’appelle James, j’ai 21 ans et je suis étudiant en première année de Bachelor à l’HEMU, dans la classe de piano d’Igor Tchetuev. Ma question serait de savoir comment vous parvenez à maintenir une telle clarté et articulation dans votre jeu ?

Cher James,
Merci pour la question. Je suis heureux que cela soit perçu de cette façon, c’est bien mon intention. Parler clairement pour que les gens puissent comprendre. Quand je m’exerce, j’ai toujours cela à l’esprit et j’essaie de m’écouter presque avec une troisième oreille, avec une certaine distance.