Les 11 et 12 décembre vous serez aux côtés de l’orchestre pour une soirée atypique : sans entracte, avec les deux œuvres au programmes entremêlées – les Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn (version orchestrale) et les Kindertotenlieder de Mahler (chantée). Comment interprétez-vous ce choix du chef et quel exercice cela représente-t-il pour vous en tant que chanteur ?
Je trouve que la combinaison entrelacée de Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn et des Kindertotenlieder de Mahler est extrêmement intéressante. Je m’exerce moi-même souvent de cette façon lorsque je prépare des programmes de Lieder, et je trouve que mélanger des œuvres ainsi donne toujours des perspectives fascinantes et ajoute de nouvelles couleurs à chaque pièce. Haydn a écrit cette musique avec à l’origine un court texte décrivant une souffrance extrême, prononcé à haute voix avant chaque mouvement, et je suis très curieux de voir comment l’interprétation profondément émouvante de Mahler des textes de Rückert sur la perte de deux de ses enfants sera mise en valeur et influencée par la musique de Haydn – et vice versa.
Ces deux œuvres abordent les thématiques particulièrement sombres de la mort et du deuil, quelle place donnerez-vous à ces sentiments lors de votre performance ?
En tant qu’artistes-interprètes, qu’il s’agisse d’acteurs, de chanteurs ou de danseurs, nous devons toujours trouver les émotions que nous sommes appelés à exprimer en nous-mêmes. Dans les semaines précédant ce concert incroyable, j’interprète le rôle de Caspar dans Der Freischütz de Weber, un personnage extrêmement trouble et vil, et pour le faire vivre, je dois m’aventurer dans des endroits peu agréables de ma propre psyché. Il en va évidemment de même pour les Kindertotenlieder. J’ai récemment eu une conversation avec le pianiste Jan-Philip Schulze, avec qui j’ai la chance de faire de nombreux concerts de Lieder, et il m’a dit que, en tant que père lui-même, il avait jusqu’à présent évité d’interpréter les Kindertotenlieder, car cela serait tout simplement trop difficile.
Que diriez-vous à nos spectateurs pour leur donner envie de venir écouter ce programme ?
Haydn et Mahler sont évidemment de grands compositeurs et artistes, et leurs œuvres méritent toujours de venir les écouter en salle. Cependant, dans ce programme, nous relevons la barre en interprétant deux des œuvres les plus profondément émouvantes de chaque compositeur (et, dans le cas de l’œuvre de Haydn, une véritable rareté), et je suis personnellement très impliqué dans ce projet, au point où je m’inquiète presque de l’impact émotionnel que cela pourrait avoir sur moi, car le défi physique de chanter une grande œuvre comme les Kindertotenlieder n’est pas facile à surmonter, surtout si l’on se trouve dans un état psychologique fragile.
QUESTIONS D’ÉTUDIANT(E)S DE L’HEMU
Je souhaiterai savoir quel à été le rôle ou l’œuvre qui vous a le plus demandé de réflexion, et surtout le rôle ou l’œuvre que vous avez eu le plus de mal à appréhender, à comprendre, et comment vous en êtes-vous sorti ?
Ah, c’est une question difficile, car même l’œuvre ou le rôle les plus simples peuvent parfois être difficiles à saisir, mais si je dois en choisir un, ce serait Hans Sachs dans Die Meistersinger von Nürnberg de Wagner. La taille du rôle en soi en fait une énorme montagne à gravir (en particulier la première partie de l’acte 3, la fameuse Schusterstube, qui est épuisante), mais ce qui distingue vraiment ce rôle, c’est le degré de complexité musicale et poétique, ainsi que la profondeur psychologique incroyable – et réaliste – du personnage. Il va sans dire que ces défis sont la principale raison pour laquelle c’est l’un de mes rôles préférés de tous les temps
Que diriez-vous à une jeune chanteuse qui veut se lancer dans une carrière professionnelle ? Quel est le meilleur conseil qu’on vous a donné ? Merci beaucoup !
Depuis que j’ai entamé ma carrière de chanteur, j’ai reçu une quantité incroyable de bons conseils de la part de grands collègues, et j’ai tellement appris en les observant et en les écoutant. Toutes ces choses, combinées, m’ont façonné pour devenir ce que je suis aujourd’hui, et c’est pourquoi je ne peux pas choisir un seul conseil spécifique – alors voici mon conseil personnel : avancez étape par étape et voyez où elles vous mènent. Les compétences (ainsi que les conseils et les expériences) que vous recueillerez tout au long de votre parcours seront exactement ce dont vous aurez besoin, tant durant ce parcours que lorsque vous arriverez à ce moment de votre carrière où vous sentirez que vous pouvez véritablement contribuer à ce pourquoi nous sommes tous ici : créer de l’art et faire évoluer notre forme d’art.