Les 25 et 26 septembre, pour le 1er Grand Concert de la saison 2024-2025, vous débuterez par l’ouverture d’Egmont de Beethoven. Pourquoi ce choix ?
Cette ouverture, qui fait partie d’un ensemble de musique de scène pour le Egmont de Goethe, possède un caractère dramatique qui s’exprime de façon très visuelle par une sorte de peinture sonore que ce soit dans la première partie, héroïque, ou dans la deuxième, avec la mort triomphante du héros. Il s’agit d’une musique dotée d’une grande puissance sonore, parfaite introduction à ce programme avec le concerto de Bruch et la 3ème symphonie de Mendelssohn.
En effet, le Concerto pour violon n°1 de Bruch succédera à l’ouverture d’Egmont. Quelle place tient cette œuvre incontournable du répertoire violonistique dans votre vie ?
C’est une histoire assez longue ! C’est l’un des premiers concertos que j’ai joué, comme le 3ème de Mozart, comme le Mendelssohn. C’est aussi l’un des premiers concertos que j’ai joué avec orchestre et c’est l’un des premiers concertos que j’ai emmené en concours quand j’étais jeune. C’est un concerto qui est extrêmement bien écrit pour le violon, ce n’est pas pour rien qu’il a un succès retentissant depuis des décennies et qu’il est adoré par les violonistes et par le public.
Ses deux premiers mouvements s’enchaînent et j’ai toujours trouvé que le 3ème mouvement était associé trop souvent à des concours de conservatoires alors qu’il s’agit d’une œuvre absolument géniale. Le mouvement lent est l’un des plus beaux mouvements lents qui n’ait jamais été écrit pour le violon. Et ce premier mouvement est très ramassé, très compact.
Cette œuvre ira parfaitement dans ce « joué-dirigé » que je vais opérer avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne avec qui je le jouerai pour la première fois. Je me réjouis de le diriger du violon, je suis certain que cela donnera un caractère encore plus intense encore à mon interprétation.
La deuxième partie du concert sera consacrée à la Symphonie n°3 de Mendelssohn, dite « Ecossaise ». Qu’y retrouve-t-on du Romantisme allemand, fil rouge du programme ?
Cette 3ème symphonie de Mendelssohn lui a été inspirée par un voyage en Grande-Bretagne mais ce n’est que douze ans plus tard qu’il en reprend la composition de la partition, faisant courir l’écriture de 1829 à 1842. Nous avons eu la chance de la jouer à plusieurs reprises avec l’orchestre et à chaque fois, je suis frappé par sa puissance d’évocation, sa capacité à faire naître des images fortes, qui est l’une des caractéristiques principales du Romantisme. Par exemple dans le 1er mouvement, nous pouvons ressentir les paysages brumeux des Highlands ou dans le Scherzo, nous entendons les évocations de la cornemuse à travers le jeu de la clarinette.
QUESTIONS D’ÉTUDIANT(E)S DE L’HEMU
Y a-t-il un moment spécifique dans votre carrière où vous avez ressenti que vous aviez atteint une nouvelle dimension dans votre jeu ? Si oui, comment l’expliqueriez-vous ?
Je pense que l’on atteint une nouvelle dimension à chaque fois que l’on vit de grandes expériences musicales. J’ai eu plusieurs chocs musicaux ou tournants dans ma vie : à 16 ans, avec l’Orchestre de la Communauté Européenne, dirigé par Carlo Maria Giulini, puis la rencontre avec Claudio Abbado et Daniel Barenboim – je ne sais pas si elle a donné une autre dimension à mon jeu mais elle m’a apporté beaucoup plus de confiance. Il y a aussi la rencontre avec Martha Argerich et de nombreux autres musiciens…à chaque fois c’est comme gravir une nouvelle marche vers de plus en plus de liberté dans son expression musicale.
Pensez-vous que diriger a fait de vous un meilleur violoniste et musicien et si oui, comment ?
Oui, je suis persuadé que le fait de diriger et de penser la musique différemment, de façon plus globale, permet d’avoir une compréhension de l’instrument beaucoup plus large aussi. Cela nous libère de nombreuses questions pragmatiques et techniques liées à l’instrument qui pouvaient embrumer l’esprit. Le fait de diriger donne plus de « ligne » et nous libère en tant que musicien.
Avez-vous une pièce du répertoire (violon) que vous n’avez jamais encore jouée et que vous souhaiteriez interpréter ?
Il y a énormément de pièces que j’ai l’intention d’apprendre, notamment toutes les créations que je m’apprête à jouer dans le futur comme la Ballade d’Eric Tanguy avec le Philharmonique de Radio France dirigé par Daniel Harding et le Concerto de Nico Muhly avec le New-York Philharmonic dirigé par Marin Alsop et toutes les créations de compositeurs qui sont programmées pour 2027 ou 2028. Par ailleurs, il y a des œuvres que je souhaite remettre au goût du jour, comme ce concerto pour violon, cor et orchestre d’Ethel Smyth que je vais jouer dans quelques semaines avec le cor solo du Philharmonique de Berlin, Stefan Dohr.